Le 6 juillet 2023, la sénatrice Sylvie ROBERT ainsi que plusieurs sénateurs ont déposé au Sénat une proposition de loi portant réforme de la preuve de l’originalité de l’œuvre.
Cette proposition propose une nouvelle rédaction de l’article L112-1 du code de la propriété intellectuelle (nouvel article proposé en gras ci-dessous) :
« Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit originales, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
Il appartient à celui qui conteste l’originalité d’une œuvre d’établir que son existence est affectée d’un doute sérieux et, en présence d’une contestation ainsi motivée, à celui qui revendique des droits sur l’œuvre d’identifier ce qui la caractérise. »
Cette proposition de loi pourrait constituer une avancée importante pour la protection des auteurs, permettant d’introduire un équilibre au sein des procès en contrefaçon et d’alléger la charge de la preuve des auteurs.
En droit français, la protection par le droit d’auteur est réservée à certains objets, les œuvres de l’esprit, qui répondent à la condition d’originalité. Ainsi, une œuvre ne sera protégée par le droit d’auteur que si celui qui en revendique la titularité prouve que son œuvre porte l’empreinte de sa personnalité. Si cette exigence n’est pas expressément prévue par les textes, elle s’est imposée en jurisprudence et les juges vérifient la condition d’originalité avant d’accorder la protection du droit d’auteur.
Si, traditionnellement, le critère de l’originalité était vérifié en appréciant l’empreinte de la personnalité de l’auteur, en appréciant par exemple la « sensibilité esthétique » de l’auteur (CA Paris 4e Ch.,9 avr. 2008 : JurisData n°2008-364911), la définition de l’originalité a pu évoluer notamment avec l’arrivée des nouvelles technologies. En effet, dans un arrêt concernant l’appréciation de l’originalité d’une base de données, la cour de cassation a utilisé le critère de « l’apport intellectuel » de l’auteur (Cass. 1reciv., 19 nov. 1983 : JCP G 1984, 20189 J. Huet – Ass Plén, 30 Oct 1988 , JCP G 1988, 20189 note Françon).
Aujourd’hui, la preuve de l’originalité incombe à celui qui s’en prévaut. De sorte que, le demandeur à l’action en contrefaçon doit prouver l’originalité de son œuvre avant que le juge ne statue sur les éventuelles ressemblances de la contrefaçon.
Cependant, ce mécanisme a suscité quelques critiques ces dernières années, en raison de l’iniquité de la charge de la preuve incombant seulement à l’auteur et les difficultés que cela lui procure.
En effet, lorsque des auteurs agissent en contrefaçon pour protéger leurs œuvres, les parties adverses contestent souvent l’originalité de celles-ci afin de faire rejeter de l’action en contrefaçon engagée à leur encontre. La charge de la preuve de l’originalité présente alors des coûts importants pour l’auteur, et sa protection se retrouve affaiblie. À ce propos, le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) a dénoncé une « atteinte au procès équitable » dans son rapport sur l’originalité de l’œuvre de 2020. Ce dernier avait d’ailleurs proposé une nouvelle rédaction de l’article 112-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui fut donc reprise par la proposition de loi n°860 du 06/07/2023.
Cette proposition apporte donc des changements en faveur des auteurs en renversant la charge de la preuve et en la faisant d’abord peser sur le supposé contrefacteur. En reprenant les termes du CSPLA, le nouvel article circoncit la possibilité de la contestation de l’originalité d’une œuvre à la preuve d’un « doute sérieux » et pose donc une présomption (simple) d’originalité de l’œuvre.
Lors de l’exposé des motifs de la proposition de loi, la sénatrice a souligné : « Par cette modification législative, l’auteure de la proposition de loi souhaite plus globalement replacer le créateur — et ses droits afférents — au cœur de notre droit positif. Alors que les acteurs numériques et les plateformes captent encore trop souvent la richesse dérivée de l’œuvre au détriment du créateur qui en est pourtant à l’origine, il est indispensable d’affermir le droit d’auteur et de rendre plus effective sa protection afin que le partage de la valeur soit plus équitable ».
Ainsi, si elle est adoptée, cette proposition pourrait permettre de renforcer la protection des auteurs sur leurs créations, et d’alléger certains procès en contrefaçon d’un débat chronophage.
Charlotte Galichet
Pauline Leyval