Résiliation d’un CDD : la question de la validité de la clause de résiliation pour convenance dans un contrat entre professionnels

La faculté de résilier unilatéralement des contrats commerciaux réside dans la distinction entre les contrats à durée déterminée et indéterminée.

L’article 1210 du Code civil dispose que : « Les engagements perpétuels sont prohibés. Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée ».

Dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, chaque partie possède une faculté de résiliation unilatérale, du fait de la prohibition des engagements perpétuels, à condition toutefois de respecter un délai de préavis raisonnable.

En revanche, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, le principe est celui de l’interdiction de la résiliation unilatérale. L’article 1212 du Code civil dispose à cet égard que lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme. Quatre exceptions tempèrent néanmoins ce principe de prohibition de résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée :

  • le consentement mutuel des deux parties (article 1193 du Code civil) ;
  • la force majeure ;
  • la gravité du comportement de l’une des parties ;
  • l’accord des parties sur un droit de résiliation unilatéral qui peut être soumis à diverses modalités telles que le paiement d’une indemnité de rupture.

Dès lors, l’insertion d’une clause de résiliation pour convenance dans un contrat à durée déterminée peut être risquée, et ce à trois égards.

  1. Le risque de qualification de condition purement potestative

Une condition est dite potestative lorsqu’elle fait dépendre l’exécution du contrat d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher. L’article 1304-2 du Code civil précise qu’est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur.

Une partie de la doctrine considère que la clause accordant un droit de résiliation discrétionnaire à l’un des contractants ne serait valable que si son insertion dans le contrat a reçu une contrepartie ou si la faculté de résiliation a été accordée à toutes les parties contractantes ou encore si la clause ne peut être mise en œuvre que moyennant le versement d’une compensation financière.

Devant l’incertitude qui existe en la matière, certaines sociétés ont rédigé des clauses de résiliation réciproque ou dont l’exercice est conditionné par la survenance d’évènements extérieurs échappant à l’arbitraire des parties ou par le paiement d’une indemnité de rupture.

Cependant, récemment, la Cour de cassation a admis que la clause ouvrant le droit à l’une des parties de mettre un terme à un contrat sans condition n’a pas pour effet de faire dépendre l’exécution de ce contrat d’un évènement qu’une seule partie aurait le pouvoir de faire survenir ou empêcher, une telle clause n’affectant pas l’existence même de l’obligation mais seulement sa durée (Cass. Com., 31 mars 2021, no 19-16214, Sté Mobilead c/ Sté France Brevets, F-D).

2. Le risque de déséquilibre significatif

Cette notion existe en droit civil pour les contrats d’adhésion (2.1) et en droit commercial pour les contrats d’une certaine durée (2.2).

2.1. Le contrat d’adhésion

Aux termes de l’article 1110 du Code civil, un contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. 

Il existe 3 éléments suspectant l’existence d’un contrat d’adhésion : (i) la présence de conditions générales, (ii) la détermination unilatérale et à l’avance des clauses contractuelles par l’une des parties et (iii) l’absence de négociations autour de ces conditions générales.

La qualification de contrat d’adhésion est donc dépendante des modalités de présentation et de négociation du contrat. Dès lors qu’un contrat encourt la qualification de contrat d’adhésion et comporte une clause de résiliation unilatérale sans contrepartie, il devient annulable sur le fondement de l’article 1171 du Code civil.

2.2. Le partenariat commercial

Le Code de commerce encadre également les relations commerciales soumises à un déséquilibre significatif en son article L. 442-6 I. aux termes duquel, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel (…) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La soumission ou la tentative de soumission à des clauses entrainant un déséquilibre significatif implique la démonstration soit d’une position de force soit de l’absence de négociation effective du contrat, soit de l’usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l’acceptation d’obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La tentative de soumission est également sanctionnée dans le cadre d’un contrat à durée déterminée reconductible (CA Paris, 7 juin 2017, RG n°15/24846).

Les deux clauses les plus suspectes sont les clauses de révision de prix à sens unique et les clauses résolutoires unilatérales.

L’insertion d’une clause de résiliation pour convenance, nécessitera de prévoir qu’elle soit réciproque ou indemnisée mais il reste possible de courir le risque de n’appliquer aucun de ces deux critères en prévoyant par écrit, qu’il pourra être mis fin au contrat (malgré le fait qu’il s’agisse d’un CDD) mais ce, sous réserve d’un préavis. En tout état de cause, la durée du préavis doit être proportionnée à la durée des relations commerciales (cf. infra 3.).

Ainsi, une clause prévoyant une prérogative non réciproque ne constitue pas forcément un déséquilibre « significatif », il incombe au juge d’examiner l’économie du contrat dans son ensemble.

3. La rupture brutale des relations commerciales

Classiquement, au regard du caractère précaire du contrat à durée déterminée et compte tenu du fait que les parties sont informées dès la conclusion du contrat de la date à laquelle il cessera, la jurisprudence a pu retenir qu’un unique contrat à durée déterminée non renouvelable par tacite reconduction arrivant à son terme ne saurait constituer une rupture brutale des relations commerciales établies, même si aucun délai de préavis n’a été prévu (CA Paris, 12 janv. 2005, nº RG : 03/02283, Soixante c/ Ada ; CA Paris, 10 mai 2007, nº RG : 04/02292, Secob c/ Xerox).

Cependant, la notion de rupture brutale existe tant pour les contrats à durée indéterminée lorsque le préavis est inexistant ou trop court, que pour les contrats à durée déterminée qui se sont poursuivis au-delà du terme initial, dès lors que les relations commerciales sont « établies », c’est-à-dire qu’elles durent depuis un certain temps.

Une succession de contrats à durée déterminée ayant pour objet la même prestation devra être considérée comme une relation commerciale établie dont la rupture ne peut intervenir qu’après respect d’un délai de préavis suffisant (CA Aix-en-Provence, 2e ch., 13 nov. 2008, nº RG : 07/00968, SFR c/ France Convention Sud).

Il appartient au cocontractant souhaitant mettre fin au contrat de vérifier si d’autres contrats à durée déterminée n’avaient pas été conclus antérieurement, afin de calculer précisément le délai de préavis à proposer à la partie lésée.

Selon la jurisprudence, le préavis à respecter doit être fonction de la durée de la relation commerciale. Dans un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris, il est rappelé que le délai de préavis doit s’entendre du « temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement » (CA Paris, 9 sept. 2020, n°18/22616, X c/ Les Coopérateurs de Normandie Picardie). Ainsi il a été admis que les principaux critères à prendre sont, outre la dépendance économique et l’ancienneté des relations, le volume d’affaires, la progression du chiffre d’affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d’exclusivité et la spécificité des produits et services en cause (Id.).

En tout état de cause, il ne suffira pas de respecter le préavis inséré dans le contrat si la relation commerciale a été très longue. Il sera plus prudent de proposer dans la lettre de résiliation, un préavis plus long.

Afin de prévenir tout litige sur ce point, il est recommandé de prévoir un délai de préavis d’un mois, augmenter d’un mois par année contractuelle écoulée. Il est par ailleurs envisageable de prévoir un maximum (entre six mois et neuf mois).

Charlotte GALICHET

Anna BEJAOUI

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