Créations logicielles & entreprise : la question de la titularité des droits d’auteur

Le logiciel est une œuvre de l’esprit susceptible d’être protégé par le droit d’auteur, en tant qu’œuvre de l’esprit à part entière, selon les conditions classiques posées par le Code de la propriété intellectuelle.

En droit d’auteur classique, le créateur d’une œuvre de l’esprit, personne physique, est qualifié d’auteur. Etant précisé que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.

Lorsque l’œuvre est divulguée par une personne morale, cette dernière est présumée être titulaire des droits sur l’œuvre. Titulaire, ne signifie pas auteur ! en effet, rappelons qu’une société ne peut jamais avoir la qualité d’auteur puisque seule une personne physique peut être qualifiée d’auteur.

Concernant plus spécifiquement les œuvres créées par un organe appartenant à une entreprise, il faut savoir qu’un salarié ou dirigeant de société reste, sauf stipulation contractuelle contraire, titulaire des droits sur son œuvre.

Dans le cas des logiciels, la législation est différente et différencie deux types de créateurs :

  • Les créateurs salariés d’une entreprise ;
  • Les créateurs non-salariés, tels que les free-lance ou les associés.

1/ Les créateurs salariés d’une entreprise

L’article L113-9 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer ».

Ainsi, selon cet article, il existe une dévolution automatique des droits d’auteur sur un logiciel créé par un salarié, à la société qui l’emploie. Pour cela :

  • il ne doit pas exister de dispositions statutaires ou stipulation contraires ;
  • le créateur doit être un salarié de l’entreprise ;
  • la création du logiciel doit être intervenue dans le cadre de l’exercice de ses fonctions par le salarié ou d’après les instructions de son employeur.

Si ces conditions cumulatives sont réunies, les droits patrimoniaux attachés au logiciel sont automatiquement dévolus à la société employeur.

2/ Les créateurs non-salariés de l’entreprise

A.  le principe : les droits d’auteur appartiennent à la personne physique qui a créé le logiciel

Le mécanisme de dévolution automatique des droits d’auteur instauré par l’article L113-9 du Code de la propriété intellectuelle ne s’applique pas aux créateurs non-salariés. La logique juridique appelle par conséquent à appliquer les mécanismes du droit d’auteur classique pour connaitre le titulaire des droits sur le logiciel et ainsi appliquer le régime juridique adéquat.

Le 15 janvier 2015, la Cour de cassation[1] est venue confirmer cette analyse puisqu’elle a rendu un arrêt rejetant la thèse selon laquelle le développement de logiciels étant le fruit du travail de deux associés, la société dont ils étaient associés en détenait les droits d’auteur. Elle rappelle en effet, en se fondant sur l’article L113-1 du Code de la propriété intellectuelle, qu’une société, en tant que personne morale, ne peut revêtir la qualité d’auteur.

En réalité l’apport de cette décision est double :

  • Une personne morale ne peut pas se voir attribuer la qualité d’auteur d’une œuvre de l’esprit, seule une personne physique peut se voir attribuer une telle qualité ;
  • Un associé ou dirigeant de société n’est pas un salarié. De ce fait, la société dont il est dirigeant ou associé ne bénéficie pas d’une dévolution automatique des droits d’auteurs sur le logiciel. Seule une cession des droits en bonne et due forme pourra investir la société des droits d’auteur sur l’œuvre.

B.  L’exception : l’attribution des droits d’auteur à la société par contrat

Pour que la société puisse être titulaire des droits d’auteur attachés au logiciel créé par une personne extérieure ou un associé, il existe deux possibilités :

  • Le créateur cède les droits patrimoniaux attaché à son logiciel à la société (contrat de cession classique) ;
  • Le créateur apporte son logiciel au capital social de la société.

Il s’agit d’un apport en nature qui permet à l’associé, en contrepartie de la valeur de son logiciel de recevoir un nombre de parts sociales dans le capital de la société, égal à la valeur vénale de sa création.

Cet apport pouvant se faire dès la création de la société ou par le biais d’une augmentation de capital.

L’apport peut être de quatre types :

  • Apport en pleine propriété: le logiciel appartient en totalité à la société ;
  • Apport en usufruit: le créateur conserve la nue-propriété et la société ne dispose que de la jouissance du logiciel et de la possibilité de récolter les fruits issus de l’utilisation de ce bien : les bénéfices ;
  • L’apport en nue-propriété: la société dispose de la nue-propriété mais seul le créateur conserve la possibilité de récolter les fruits issus de l’utilisation du logiciel ;
  • L’apport en jouissance: la société n’a que la disposition du bien sans pour autant en être propriétaire.

Le choix de la forme de l’apport sera fonction des considérations fiscales, juridiques et personnelles propres au créateur.

En conclusion, la création d’un logiciel dans une entreprise ne signifie pas nécessairement que cette dernière est titulaire des droits sur cette œuvre.

Pour savoir qui de la société ou du créateur est effectivement titulaire des droits d’auteurs, il convient tout d’abord de s’attacher à la qualité du créateur du logiciel : salarié ou non salarié. S’il ne s’agit pas d’un salarié, et hors stipulations contractuelles spécifiques, seul le créateur du logiciel sera investi des droits d’auteurs sur ce dernier.

S’il s’agit d’un salarié, il convient de vérifier que les conditions de la dévolution automatique des droits patrimoniaux à l’employeur sont réunies. Dans la positive, la société sera seule investie des droits patrimoniaux. Dans le cas contraire, le salarié restera auteur de son œuvre et sera seul investi de l’ensemble des droits s’y rattachant.

 

Charlotte GALICHET

Sophie RENAUDIN

[1] Civ. 1ère, 15 janvier 2015, n°13-23566

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