La société MONSANTO serait-elle en possession d’un fichier de données illégal ?

C’est en tout cas ce que semble affirmer des journalistes de France 2 et du Monde qui se seraient procurés deux fichiers informatiques contenant des données personnelles de centaines de personnalités et leur opinion sur le glyphosate.

Le premier fichier contiendrait des informations sur 200 personnalités politiques, journalistes, scientifiques, dont les numéros de téléphone, y compris sur liste rouge, ainsi que les adresses privées de ces personnalités. Elles seraient ensuite classées en fonction de leur degré d’influence, de crédibilité et de soutien à MONSANTO.

Le second fichier ciblerait 74 « cibles prioritaires » divisées en quatre groupes : « les alliés », « les potentiels alliés à recruter », « les personnalités à éduquer » et celles « à surveiller ».

Ces fichiers constituent des traitements de données à caractère personnel et semble concerner des personnalités françaises. S’il est établi que MONSANTO (responsable de traitement) a bien mandaté un tiers (sous-traitant) pour constituer un tel fichier, tous deux pourraient se voir reprocher par la CNIL le caractère illicite de leur traitement de données.

Rappelons que le caractère public ou professionnel de ces données est sans incidence sur leur qualification en tant que données à caractère personnel.

La CNIL aura ainsi deux questions fondamentales à se poser :

1/ Une opinion sur le glyphosate est elle une opinion politique ou philosophique ? Si la réponse est affirmative, le consentement des personnes au traitement de cette donnée aurait alors été obligatoire. Dans la négative, l’intérêt légitime du responsable de traitement pourrait suffire à rendre licites de tels traitements.

2/ Les personnes concernées par ces traitements ont-elles été informées de ce fichage ? A en croire les journalistes qui se sont saisis de cette affaire, il apparaît de ces informations n’ont jamais été données aux personnes concernées. Or, selon l’article 32 III. de la Loi informatique et libertés, lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement doit fournir aux personnes concernées l’ensemble des informations relatives au traitement (responsable, finalités, durées de conservation, droits d’opposition etc) dès l’enregistrement des données, ou si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.

Enfin, concernant les sanctions, un tel traitement de données est passible pour MONSANTO et son sous-traitant, en tant que personnes morales, de sanctions pénales :

  • 1 500 000 € d’amende ;
  • L’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;
  • Le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;
  • La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés
  • L’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;
  • L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d’utiliser des cartes de paiement ;
  • La confiscation des meubles ou immeubles en lien avec l’infraction ;
  • L’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.

Dans la mesure où le traitement existait toujours au 25 mai 2018, une amende administrative importante pourrait également être prononcée : selon le RGPD et la Loi informatique et libertés, ces deux sociétés encourent une amende pouvant aller jusqu’à 20 000 000€ ou 4% du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu.

Charlotte GALICHET

Sophie RENAUDIN

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